Denis Kremer - Auteur
Psychanalyse d'une déchirure. La nostalgérie.
Éditions de l'Onde
Adaptation pour le public du mémoire de psychanalyse soutennu devant la Fédération Nationale de Psychanalyse.
Le départ brutal des Français d'Algérie fut pour eux une déchirure terrible, un arrachement à leur terre natale. Ces exilés ont à faire un travail sur leur passé, rendu difficile sinon impossible par les polémiques sur leur histoire, des clichés dans lesquels ils ne se reconnaissent pas. La psychanalyse est à même d'expliquer les mécanismes psychologiques de cette "nostalgérie" et de montrer son caractère universel, que l'on retrouve dans toute population coupée de ses racines et rendue responsable d'un mal civilisationnel. Le fait d'être entendus, une certaine compassion auraient pu permettre à ces rapatriés de faire ce deuil et de se sentir ici, en France, chez eux, ce qui pour certains d'entre eux n'est toujours pas le cas.
Pierre Goinard Notre exil
Éditions de l'Onde
Recension écrite par M. Roger Vétillard, professeur de médecine et historien:
Ce livre est unique. Il a deux auteurs, tous deux médecins et pieds-noirs, qui ne se sont jamais rencontrés. C’est un livre posthume dont les dernières lignes ont été écrites par Pierre Goinard, il y a plusieurs décennies. Et Denis Kremer, a retrouvé ces pages que lui a confiées Noëlle Note-Goinard, la fille de Pierre, et en psychanalyste, nous les présente et les commente. Il faut également associer deux autres protagonistes involontaires à cette œuvre : Georges Pélissier, élève et ami fidèle du Pr Goinard qui a rédigé une biographie inédite de son maitre, que Kremer a lue, et Jean Brune, l’écrivain pied-noir à qui est dédié cet ouvrage.
Pierre Goinard, chirurgien à Alger, professeur de chirurgie thérapeutique à la Faculté de Médecine de la ville blanche, a comme la plupart des « rapatriés » vécu douloureusement la transplantation en France métropolitaine, d’autant plus que l’accueil hostile qui lui a été réservé à la faculté de médecine de Lyon, ne lui a pas permis une intégration réussie. C’est peut-être pour ces raisons qu’il a été un des principaux initiateurs des réunions scientifiques et confraternelles des médecins « repliés » d’Algérie.
Livre unique, parce qu’il s’apparente à un Journal rédigé au fil du temps de 1962 à 1991, sous forme d’articles thématiques. Unique par cette prose poétique qui concerne tous les sujets qui renvoient à l’Algérie d’avant 1962, alors que ceux qui traitent de la France des années 1990 sont en simple prose. Au sein des 7 chapitres, l’auteur nous parle de plus de 85 sujets qui nous emmènent du paradis perdu au 13 mai 1958, de l’OAS à Alger, de nos deux patries à la traversée de la Méditerranée, de la chapelle du Sacré-Cœur à la Cathédrale d’Alger…
Il s’agit d’un ouvrage où la « nostalgérie » est très présente. On y retrouve ce que les psychologues nomment « travail de deuil », où durant des années la tristesse, le paradis perdu, le ressentiment ne cessent d’être présents dans toutes les pages. Ce fut le vécu de beaucoup de ces pieds-noirs de la 1ère génération, eux qui avaient construit et réussi leur vie familiale, relationnelle et professionnelle dans le pays de leur naissance et ont dû, à l’âge où habituellement on commence à penser à la retraite, tout recommencer.
Bientôt apparait la résilience, quand il faut bien admettre que le passé ne reviendra pas, que la vie continue, que l’on a pu préserver le milieu familial, reconstruire un environnement social, retrouver les amitiés d’antan.
Tout cela bénéficie d’une très belle et agréable écriture de Pierre Goinard, d’une présentation logique et de commentaires judicieux de Denis Kremer sans oublier la belle préface rédigée par Joëlle Hureau, dont on sait qu’elle a écrit un beau livre sur la mémoire des Pieds-Noirs.
Alain Jund. La Nuit venait de tomber
Impertinences. Atelier Fol'fer
Préface de Denis Kremer
Extraits de la préface.
La nuit venait de tomber sur une période dramatique de l'histoire de France, qui nous est racontée ici par un homme à l'automne de sa vie.Sa parole se libère du puits de la mémoire, une parole refoulée, jusqu'alors tue car douloureuse, indicible car incomprise ou même caricaturée par ceux qui n'ont pas vévu cette tragédie.
Commment est-on passé de l'Algérie heureuse où deux communautés, dans les campagnes, dans les quartiers populaires des villes, vivaient dans une bonne entente, à une Algérie féroce, sanguinaire, où personne, le matin en se levant, qu'il appartienne à l'une ou l'autre communauté, ne pouvait assurer que le soir venu il serait encore en vie? Sûrement pas le père d'Alain en ce matin du 5 juillet 1962 à Oran qui fut sauvé in extremis par un Algérien. Mais en ce jour sinistre, trop d'Oranais, hommes, femmes, enfants confondus, n'ont pas eu cette chance. ...
Pourtant, après cette longue nuit cauchemardesque, après toutes ces terreurs, ces drames familiaux, un jour nouveau s'est levé. Un jour d'espoir, de reconstruction, de début d'une nouvelle vie. ... Alain nous le dit dans son prologue et sa conclusion: un jour différent, réconciliateur, conquérent fait suite à la nuit barbare. ....
La nuit n'a pas réussi à rompre les amitiés, et les exemples de gestes de solidarité entre les deux communautés, dans un sens comme dans l'autre, ne manquent pas. ... Le jour se lève et a réactualisé ces liens un moment distendus. ... Alain, Lévy, Achour, le chrétien, le juif, le musulman réfléchissaient ensemble à un avenir commun dans une Algérie pacifiée. C'est une démarche à méditer et à immiter aujourd'hui, quand le vivre ensemble intercommunautaire semble amener beaucoup de Français à de nombreuses interrogations.